Tout comme le Quatuor Hanson ("All shall not die", Aparté, CHOC, CLASSICA n°218), le Quatuor Akos choisit Haydn pour son début au disque. L’ensemble interprète l’opus 76, cycle de maturité qui concentre l’enseignement de toute une vie, tout en ouvrant de nouvelles perspectives. « J’ai eu la grande joie […] d’entendre vos nouveaux quartetti très bien exécutés, et jamais musique instrumentale ne m’a pas plus d’avantage : ils débordent d’invention, de feu, de goût et d’effets nouveaux », écrivait Charles Burney, compositeur et organiste anglais, à Joseph Haydn en 1799 au sujet de ces six quatuors à cordes.
Ce sublime répertoire a été illustré au disque par les ensembles les plus prestigieux : les Bergs y captivent par leurs sens de l’architecture et leur équilibre (Warner Classics, 1993-1998), les Modigliani y subjuguent par leur homogénéité et leur cohésion (Quatuor n°2, op.76, Mirare, 2019, CHOC, CLASSSICA n°231), les Chiaroscuro y fascinent par leur jeu historiquement informé, fuselé, épuré (Bis Records, 2017-2018, CHOC, CLASSICAn°234). Dans cette discographie plus que fournie, où situer cette nouvelle lecture? La sonorité du Quatuor Akos saisit dès les premières secondes : fine, diaphane et transparente. Elle apporte beaucoup de lisibilité au discours et laisse décanter l’architecture. La clarté des archets fait ainsi merveille dans le premier mouvement du Quatuor n°6, qui laisse entendre avec précision les réponses canoniques des différents pupitres, et souligne la modernité de cette forme à variations et fugue, projetant Haydn directement dans le XXe siècle. Que dire ensuite des mouvements lents, soutenus par un superbe cantabile? La délicatesse, l’homogénéité et la fluidité des lignes subjuguent dans l’Adagio sostenuto du Quatuor n°1, subtil et noble, donné a mezza voce, tout comme dans le Poco Adagio du Quatuor « L’Empereur », immuable et majestueux. Le Quatuor Akos ensorcelle enfin dans les mouvements rapides! Mais contrairement aux Hanson qui rivalisent de fougue et de panache, les Akos gardent sans cesse une hauteur de vue, une légère distance, préférant la noblesse au feu juvénile. Ils apportent de la vie au discours par une mobilité ponctuelle du tempo: il faut écouter de quelle façon bat le pouls de l’Allegro du Quatuor « Les Quintes »! Un enchantement de tous les instants.
Fabienne Bouvet